L’été dernier, j’avais voulu écrire un truc sur Crash Bandicoot, mais c’était tellement creux et vide que j’ai pas réussi.

- Mortal, pas nostalgique

Dojobar
L'émission de radio déjantée qui revient toutes les deux semaines !

Émission s24e02 − Echos of Wisdom
Le 22 octobre 2024, par Mortal







[Wii-5] La parole aux développeurs

Rendez-vous demain \o/

Le jeu vidéo est un marché qui suscite nombre de passion. L’existence du dojo, qui est là depuis une bonne dizaine d’années, en est une des nombreuses preuves. Et si Sony et Microsoft peuvent compter nombre d’adeptes, de même que d’autres sociétés qui ne sont pas (plus) concernées par le hardware comme Sega, Square-Enix ou Capcom, Nintendo a assurément une histoire particulière dans le domaine, et est sans doute celle qui peut compter sur le plus important nombre de fans. Pourtant, c’est aussi de loin la société qui gagne le plus d’argent dans le milieu, en particulier ces derniers mois. Idéalement, le fan Nintendo imagine toutefois la compagnie comme un repère d’artisans, travaillant uniquement, avec passion et génie, à tenter de créer les instruments les plus parfaits possible pour notre plus grand bonheur. Avec un minimum de réflexion, on sait quand même bien que cette vision n’est que trop paradisiaque, mais on aime à penser que Nintendo n’est pas une compagnie comme les autres, et que les développeurs d’EAD, le principal studio de développement de la firme, sont avant tout des passionnés, qui ont l’obsession de réussir un chef d’oeuvre. De tout temps, le quasi-seul rapport qu’ont eu les joueurs avec leurs "idoles", fut les nombreuses interviews réalisées par la presse. Interviews qui les 3/4 du temps portaient un peu trop sur le jeu que sur sa réalisation ou son réalisateur, avec un journaliste qui cherche surtout à obtenir une petite annonce exclusive.


Avec la Wii, Nintendo a lancé une série d’interviews bien différentes de la norme. Là, c’est Iwata, le PDG de la société, qui s’entretient avec ses employés pour leur poser des questions sur le développement de la Wii. Et tout diffère des interviews classiques. Les questions sont souvent des sujets bateau, et la discussion, car cela devient bien plus une véritable discussion qu’un bête jeu de question/réponse, devient très vite sympathique, ne révèle que des choses insignifiantes dans la logique, mais qui font un tout très efficace. D’abord, ces interviews sont diffusées sur la partie Wii du site de Nintendo. Pas le site officiel Wii en lui même, juste la section intégré directement au site Nintendo. Quelque chose qui ne s’adresse donc pas au grand public, mais aux fans, autrement dit, nous. Et c’est bien sur ce point que Iwata a bien compris les choses. Certes, il y a un côté vendeur indiscutable, tant la lecture pousse à l’achat, mais on sent bien le côté décontracté de la discussion, bien différent de lorsque le développeur doit "affronter" le journaliste pour vendre au maximum son jeu. Ici, les artisans de nos rêves répondent sans détour aux questions de leur patron, et n’hésitent pas à rentrer dans les détails. Le lecteur se nourrit alors sans cesse d’anecdotes, et se retrouve ainsi transporté pour de bon dans les coulisses de ses jeux.


Alors évidemment, le sujet qui nous intéresse le plus dans le tas, est finalement celui qui tourne autour de Zelda Twilight Princess, le jeu que l’on attend tous depuis des années. La discussion est divisé en trois grandes parties : la première est faite avec de jeunes recrues, employés chez Nintendo depuis seulement quelques années, et n’ayant jamais été autant impliqué dans le développement d’un jeu avant ce Zelda, la seconde avec des personnalité plus anciennes, vétérans pour la plupart du travail sur des jeux Zelda, et enfin la troisième avec les deux principales personnalité de la série : Miyamoto son créateur, et Aonuma, qui en a repris les rennes depuis Ocarina of Time. La discussion est ainsi une mine d’or pour tout fan. On y découvre les pensées qu’ont les développeurs sur la série, les réactions qu’ils ont eu pour le report du jeu, ou encore, et surtout, l’implication, finalement plus importante qu’imaginé, de Miyamoto dans le projet, et comment cette véritable star de l’industrie travaille, maintenant qu’il dirige le plus important studio de développement au monde.


L’intégralité de ces discussions.

Morceaux choisis


Comme Link est contrôlé avec la Wiimote, il se servira de son épée avec la main droite dans la version Wii. [NDLR : Link est gaucher dans tous les autres jeux] Bien sûr, je pense pour ma part que nous avons fait le meilleur choix, mais sur ce simple détail, vous trouverez dans nos rangs des voix discordantes qui trouvent que Link devrait toujours combattre l’épée dans la main gauche. Cela n’a cessé de nous entraîner dans des discussions sur l’essence de Zelda. Cette question a ressurgi à propos de la place des ennemis, de l’interface avec le joueur, et tant d’autres choses encore. Et il était impossible de la définir clairement.

Yoshiyuki Oyama, responsable du design des ennemis.

J’avais la sensation que nous ne pourrions tout finir dans les temps, alors ce délai d’une année m’a semblé naturel. Nous étions loin du compte, dans l’avancement du jeu comme dans la finition, et nous n’avions même pas de schéma clair du déroulement des opérations à venir. Quand le report a été décidé, j’ai senti qu’il fallait que je me recentre. Auparavant, à l’époque où je me disais qu’à ce train, il serait impossible de terminer, j’étais épuisé. Je me suis débattu pour rester concentré et en pleine possession de mes moyens, physiquement et mentalement. Avant la décision, j’accomplissais mon travail avec la date limite à quelques pas devant moi. La date de sortie repoussée offrait la chance d’un nouveau début, et cette possibilité de repenser notre approche sur une quantité de problèmes a été véritablement significative.

Atsushi Miyagi, responsable du design du monde.

[A propos de la création d’une version Wii] Au début, des membres de l’équipe étaient contre, parce qu’ils pensaient que la manette de la GameCube, qui leur était familière, fonctionnerait mieux sur ce jeu. C’est une réaction normale : vous montrez quelque chose de nouveau à quelqu’un, mais quelles que soient les qualités de cette nouveauté, il préférera ce dont il a l’habitude. Dans les phases de finition surtout, on aurait dit qu’ils reportaient chaque semaine de nouvelles occurrences de commandes qui les gênaient. Je dois dire que j’étais un peu inquiet. C’est Aonuma-san qui, après avoir procédé à des essais, a décidé des paramètres actuels afin que l’adaptation soit aisée. Après l’E3 de cette année, alors que tout était fixé, j’ai réalisé à quel point cette version allait être agréable, et nous avons alors véritablement commencé à progresser à grands pas.

Yoshiyuki Oyama.

La traduction avait déjà commencé. La décision de faire un tel changement m’a laissée sans voix… [Miyamoto avait demandé à agrandir le passage introductif à l’aventure] Il fallait refaire la programmation, augmenter le nombre d’objets, et bien sûr changer le positionnement des personnages. Cela nécessitait également quelques retouches au niveau du design. Evidemment, tous les dialogues des personnages étaient affectés, alors j’ai dû appeler en urgence en Europe et aux Etats-Unis pour leur dire "Ce village-là va être complètement changé, merci de patienter une semaine ou deux ! Veuillez ne rien traduire pour l’instant !" Nous avons donc fait ces changements, et alors que je pensais que nous allions finir dans les temps, la table a une nouvelle fois été retournée puisqu’il a fallu intégrer une quête annexe au scénario principal, comme l’a dit Tominaga-san. Alors j’ai à nouveau pris contact avec tout le monde pour leur dire "Ça va encore changer !". Personnellement, j’avais l’impression que la table était sans cesse retournée. Lorsque j’ai réalisé que malgré tout ça, nous avions fini à temps pour la sortie, j’ai pensé : ça doit être ça la « légende » de Zelda…

Aya Kyogoku, responsable du script.

Quand on développe un Zelda, on finit toujours par dépenser beaucoup de temps et d’efforts pour des personnages comme [Tingle] ! (rires) Mais grâce à cela, les événements mettant en scène de tels protagonistes font plus forte impression au joueur. Nous voulons vraiment créer des personnages et des situations qui l’amèneront à se dire "eh bien, c’était un peu bizarre, mais très amusant ! Je ne suis pas prêt de l’oublier !" Il ne faut pas se contenter de pousser le joueur à se demander "c’était quoi ce truc ?!", il faut savoir créer un événement qui pourra éveiller et captiver son attention. Pour moi, voilà ce qui est "Zelda-esque". J’aime ces passages qui sortent des sentiers battus.

Satomi Asakawa, responsable des PNJ.

Pendant le développement, on entendait constamment dire "ce n’est pas Zelda-esque". De temps à autre quelqu’un perdait son sang froid et lançait quelque chose comme "et alors, qu’est-ce qui est Zelda-esque ?" (rires) Evidemment, personne ne pouvait répondre à cette question ! Mais à chaque fois qu’une bonne idée émergeait on disait "voila ! Ça, c’est Zelda !" Donc, même si nous ne pouvions donner une définition exacte de cette notion, nous savions tous ce qui faisait que quelque chose était "Zelda-esque". Et il en est ainsi du début à la fin du développement, ce qui fait de Zelda un jeu assez mystérieux.

Mitsuhiro Takano, responsable du script et des cinématiques.

Les plus anciens développeurs avancent souvent qu’ils savent ce que Miyamoto-san va dire parce qu’ils le connaissent depuis très longtemps. Moi, pour être honnête, je n’en ai toujours aucune idée !

Mitsuhiro Takano.

je recevais des instructions sur les changements à opérer directement sur mon téléphone mobile ! Alors que j’étais dans le train pour me rendre au travail le matin, mon portable se mettait à sonner et j’avais un message de Miyamoto-san qui disait : "A propos de cet élément dont nous avons discuté…" (rires) Et ce n’est pas comme s’il n’y en avait eu qu’un ! J’en ai reçu jusqu’à quatre à la suite ! Je priais pour que le train aille plus vite en pensant : "J’ai du pain sur la planche !" (rires) J’ai appris plus tard que Miyamoto-san avait envoyé ces messages alors qu’il participait à une réunion importante !

Eiji Aonuma, directeur.

Parfois, il était déjà onze heures ou minuit, je commençais à être fatigué et je pensais [que Miyamoto] était déjà rentré chez lui ; c’est là que j’entendais le son me signalant un nouveau mail. "Quoi ? Il est encore là ?" Le simple fait de recevoir ce mail me réveillait complètement en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire ! (rires)

Eiji Aonuma.

Au cours du projet, je me disais souvent : "Cela fait une éternité que je ne m’étais pas amusé comme ça !" (rires)

Shigeru Miyamoto, producteur.


Par The_lascar
Le 3 décembre 2006 | Catégories : Nouvelles

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