C'est une tête brûlée, lui, un déglingo, le genre de mec qui enlève les clés USB sans les éjecter…

- Mortal dépeignant Holaf, plein de fougue.

Dojobar
L'émission de radio déjantée qui revient toutes les deux semaines !




Émission s22e07 − On fait le bilan !
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Watch_Dogs, jeu à la bourre, thématique contemporaine

Sommaire

Trollambule

Comme on est un peu joueur au Dojo, on s’était dit voici un an (oui, un an, car la présente bafouille a un an d’âge) qu’on allait publier cette traduction peu avant la sortie de Watch_Dogs. Puis Ubi, très joueur aussi, s’est d’abord dit « et si on repoussait Rayman Legends ? ». Et comme Ubi aime vraiment jouer, Watch_Dogs, initialement prévu au 21 novembre 2013, fut reporté ; puis une fois la date connue (le 27 mai 2014), c’est finalement la version Wii U qui fut reportée aux calendes grecques. Du coup, on s’est dit que là, pile entre Donkey Kong Country: Tropical Freeze et Mario Kart 8, c’était à peu près le bon moment. Dans la foulée, on a un peu documenté et contextualisé le bousin.

« — Hé, mais… attends, vous avez gardé cette traduction sous le coude pendant un an ? Si Ubi ou des sites d’actu décidaient d’en parler, elle devenait bonne à jeter.
— De une, on est joueur, on a dit. De deux, t’as vraiment crû qu’on pouvait compter sur Ubi ou sur les sites d’actu  ?
— Mais… vous êtes méchants !
– Ha non, on est gentils, on met en avant un jeu d’un éditeur qui en scatorze mois oublie de prendre en compte la Wiimote dans le solo de Zombi U (la seule exclusivité Wii U d’Ubisoft devient donc passable), reporte Rayman Legends (la Wii U offrait le plus gros potentiel au jeu), ne sort pas sur Wii U le contenu téléchargeable d’Assassin’s Creed IV, ne prévoit pas de collector pour Child of Light sur Wii U et reporte Watch_Dogs sur la même console. Nous, méchants ? Allons… »

Parce que finalement, pour les possesseurs de Wii U, c’est probablement l’utilisation du GamePad qui déterminera s’ils opteront pour la version Wii U plutôt que la version PC, PlayStation 4 ou Xbox One (euh, juste PC, car le joueur Nintendo ne jette pas son argent par les fenêtres).

C’est quoi, cet article ?

Ce que j’aime avec le jeu vidéo, c’est qu’il est un support intéressant pour raconter de bonnes histoires ou pour véhiculer des idées, un peu comme le cinéma, l’écriture ou la musique. Le jeu vidéo étant encore un peu jeune, il n’est pas si courant pour lui de proposer des réflexions et thématiques fouillées qui dépassent le statut de prétextes à des mécanismes de jeu. Là où c’est intéressant, c’est que les angles d’attaque sont multiples, comme pour (encore une fois) le cinéma, l’écriture ou la musique. Des petits jeux indépendants aux grosses productions, des jeux de rôle aux jeux de gestion, beaucoup de chemins permettent de tenir un propos étayé.

Présenté en 2012, Watch_Dogs, a attiré mon attention, j’y ai vu un potentiel intéressant pour parler du glissement sécuritaire, celui-là même qui s’opère sur le monde occidental depuis que deux barbus un peu éméchés et qui se tenaient la nouille n’ont pas réussi à tenir leur droite à l’approche d’un gratte-ciel new-yorkais. Il faut faire peur aux gens, car à court terme, c’est bien moins complexe et coûteux que de les instruire. À court terme.

J’avais terminé la traduction qui constitue le gros de cet article en avril 2013, puis j’ai voulu laissé décanter dans ma tête et réfléchir au destin de cette traduction : allais-je y ajouter quelques mots sur le sécuritaire, les libertés individuelles et le contrôle des peuples ? Allais-je parler de la bande dessinée Ikigami et du jeu Mirror’s Edge ? Quelques semaines plus tard, le 6 juin 2013, les premières divulgations liées au programme de surveillance américain PRISM heurtaient une partie de la planète (« Oh là là, mais quelle surprise ! Scandalisons-nous, on ne l’avait pas vue venir. ») pour finir par retomber chez la masse, puisqu’elle n’est pas instruite à creuser (c’est écrit dans le paragraphe précédent, essaie de suivre).

Bref, le sujet serait trop vaste, on épiloguerait dessus sans fin, et surtout, la traduction ci-dessous apportera quelques éléments intéressants sur ce que peut être le jeu vidéo. Vous l’avez compris, ce jeu m’intéresse. J’espère qu’Ubisoft ne se vautrera pas la gueule et sera à la hauteur de ses ambitions et de ce qui est prévu ci-dessous. À l’approche de la sortie du jeu, c’est finalement une bonne chose de se remettre en tête les intentions des auteurs, afin de mieux les attendre au tournant dans deux mois (si vous optez pour la version PC et que vous ne prévoyez pas de vouer votre dextérité phalangienne à Mario Kart 8).

Début mars 2013, peu après la présentation de la PlayStation 4, était rendue disponible la transcription d’une série de questions-réponses sur Watch_Dogs, prévu initialement pour fin 2013 sur Wii U, PC, PlayStation 3, PlayStation 4, Xbox 360 et Xbox One.

Allant bien au-delà de la simple promotion ou découverte du jeu, c’est le thème de « l’hyper-connectivité » qui rend ce document particulièrement intéressant. Comme je suis sympathique, voici ci-dessous (ou ci-dessus si t’as retourné ton écran) la traduction de cette session de questions-réponses avec le directeur artistique du jeu, Jonathan Morin. Le fait que tout ça « date » déjà de quelques mois d’un an au moment de la publication de cet article n’entache en rien son intérêt. En effet, bien qu’on puisse trouver ici et là quelques éléments abordés dans ce gigantesque pavé que vous allez bien entendu lire jusqu’au bout tant il est captivant, il n’existe à l’heure actuelle aucun article mettant en lumière les…

« — Tu vas me laisser lire ce que dit le monsieur, oui ? »

Session de questions-réponses avec Jonathan Morin (mars 2013)

1. Qu’est-ce que Watch_Dogs ?

Watch_Dogs est un jeu d’action-aventure contemporain traitant de l’impact des technologies sur notre société. Le jeu se passe dans un Chicago où tout (et tout le monde) est connecté. Le joueur est impliqué dans une affaire personnelle et se sert de la ville comme instrument principal pour rendre la justice.

2. Est-il possible d’introduire brièvement l’histoire et son protagoniste principal ?

Vous jouerez Aiden Pearce, un homme marqué par la violence et obsédé par la surveillance au point de tenir à l’œil en secret sa famille vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour la protéger de quelque chose qui l’a déjà touchée par le passé. Malheureusement, sa famille est de nouveau menacée. Poussé dans ses derniers retranchements, Pearce rendra justice lui-même et se confrontera à un système corrompu en employant tous les moyens nécessaires (note de traduction : ça sonne très banal comme début d’histoire, en dehors du contexte « piratage électronique » du jeu). Aiden deviendra un justicier moderne, non pas un héros des années 70 avec une cape (n.d.t. : et un slip moulant), mais un humain qui devra assumer les conséquences de ses actes.

3. Pourquoi avoir appelé le jeu Watch_Dogs ?

Le nom se réfère directement aux idées de protection, de surveillance et de contrôle, et fait aussi bien allusion à la nature exagérément protectrice du personnage principal qu’à celle de notre monde hyper connecté. Le s final du titre (n.d.t. : comme en français, le s est aussi la marque du pluriel en anglais) est également crucial dans la mesure où tout le monde surveille ou est surveillé. Ça explique notamment des éléments clés de connectivité de notre expérience mais il est trop tôt pour en discuter actuellement…

4. Qu’est-ce qui rend Watch_Dogs différent d’autres jeux du même genre ?

Watch_Dogs redéfinit les interactions dans les mondes ouverts. Pour la toute première fois, la ville devient une arme, et pour soutenir cette idée, notre reconstitution de Chicago offrira un dynamisme sans précédent, avec un impact réel sur l’expérience de jeu.

Premièrement, vous aurez un contrôle en temps réel sur l’infrastructure urbaine : feux de circulation, ponts basculants, moyens de communications, métro, etc. En tirer parti aura des répercussions dans toute la ville, que ce soit sur les gens autour de vous ou sur la manière d’atteindre votre but. Les médias en parleront, et affecteront donc votre rapport au jeu.

Deuxièmement, vous aurez accès à chaque appareil mobile, ordinateur ou téléphone portable. Violer la vie privée des citoyens vous mènera à toutes sortes d’expériences et histoires. Dans les jeux ouverts, il est souvent demandé de suivre des icônes afin de se rendre là où l’action doit se dérouler. Dans notre jeu, l’action se façonne d’elle même au fur et à mesure que vous la découvrez. Ce système nous offre des possibilités inédites d’amener le contenu au joueur, avec au final un ressenti plus réaliste, un monde qui sera plein de surprises et dans lequel le sens de l’improvisation sera porté à un niveau jamais connu jusqu’alors.

Par exemple, dans notre démo, si Aiden avait choisi de se focaliser sur quelqu’un d’autre, l’expérience de jeu aurait été complétement différente. Aider Pearce est un homme qui vit par ses propres moyens. On attend donc du joueur qu’il utilise aussi ses propres moyens, pas seulement pour choisir la meilleure approche mais aussi pour improviser lors de situations inattendues. Je pense que ce qui rend Watch_Dogs singulier est le niveau de contrôle que le joueur aura sur ce qui l’entoure et la manière dont il s’en servira pour faire face à une quantité jamais vue de situations émergentes et soudaines.

La démo PlayStation 4 de 2013.

5. Pourquoi avoir choisi Chicago ?

Chicago est une des villes majeures du monde. Depuis toujours, elle symbolise la modernité et le progrès malgré la criminalité et la corruption, la prospérité financière et une culture riche mais aussi une pauvreté abjecte et une violence brutale. Ces contradictions font de Chicago l’endroit parfait pour notre jeu ouvert.

En outre, la ville illustre vraiment le thème « tout est connecté ». En 2006, Chicago voyait naître l’opération Virtual Shield (« Bouclier virtuel ») , une initiative à l’origine du réseau de surveillance le plus étendu des États-Unis : plus de dix mille caméras de sécurité sont reliées à un système de traitement des flux vidéo en temps réel. Ces programmes de surveillance font partie de la toile de fond de Watch_Dogs.

Un sujet d’actualité de 2011 sur l’opération Virtual Shield (en anglais)

6. Comment le Chicago de Watch_Dogs se rapproche-t-il du Chicago du monde réel ? Quelle importance le studio de développement accordait-il à représenter fidèlement Chicago ?

Malgré les libertés prises dans notre version de Chicago afin de mieux servir les phases de jeu, il était fondamental pour l’équipe de fournir une réflexion crédible sur cette ville fascinante. L’atmosphère de Chicago est un élément capital pour nous. Nous nous y sommes rendus plusieurs fois pour prendre des photos, enregistrer des dialogues entre habitants et discuter avec la département de police de Chicago pour mieux comprendre la ville. Au final, dans le jeu, les gens dans la rue parleront comme les Chicagoans, les bruits environnants sont ceux de la vraie ville, la musique respecte son histoire riche. Même le climat est celui de Chicago !

Un autre élément clé pour nous était d’avoir une représentation précise des monuments et de l’architecture. Si vous êtes allés à Chicago, non seulement vous aurez un sentiment de déjà-vu, mais vous pourrez aussi prendre connaissance de certains faits historiques. Nous avons aussi fait beaucoup de recherches sur le Chicago d’aujourd’hui et ses habitants. Les histoires dans lesquelles le joueur aura la possibilité de tremper au fur et à mesure du contrôle qu’il pourra exercer sur tout et tout le monde seront aussi une réflexion sur le Chicago d’aujourd’hui. Pour notre équipe, tout est dans les détails et nous croyons que l’addition de tous ces éléments a contribué à ce que l’enthousiasme naisse autour du jeu. À la fin, les joueurs se sentent concernés autant que nous par les détails inclus dans leur expérience de jeu. Il est donc extrêmement important pour nous de nous assurer de répondre à leurs attentes.

7. Ubisoft Montreal travaillera avec d’autres studios sur ce projet. Lesquels ? Et comment travailleront-ils ensemble ?

Ubisoft Montreal est le studio maître pour Watch_Dogs. C’est là où le projet prend ses racines. Cependant, le jeu est conséquent, et c’est une grande chance d’avoir l’opportunité de travailler avec d’autres équipes talentueuses. À ce titre, Watch_Dogs est une coproduction entre Montréal et les studios de Paris, Newcastle, Bucarest et Québec. Cela nous autorise à construire un jeu qui se déroule dans un vaste cadre sans négliger le sens du détail. Chaque studio se consacre à un élément du jeu dans un esprit de cohésion (n.d.t. : par exemple, Ubisoft Bucarest se voue corps et âme à la composante « report » de la version Wii U). Avec ses précédents gros titres, Ubisoft a développé une expertise dans la coopération inter-studios.

8. Depuis quand le projet est-il en développement ?

Watch_Dogs est en développement depuis près de quatre ans maintenant. Dans l’optique de créer un grand jeu, spécialement avec une nouvelle franchise, il vous faut deux choses : une équipe talentueuse, et du temps. Nous avions les deux, ce qui nous a permis de développer le pan technologique, d’élaborer un univers riche et de mettre à profit les connaissances acquises lors du développement des derniers jeux d’Ubisoft Montréal (n.d.t. : Assassin’s Creed III et Far Cry 3, à l’époque de l’entrevue).

9. Le réalisme dans le jeu, important ?

Le réalisme est le cœur de notre expérience de jeu. Beaucoup de jeux contiennent des accidents de voiture, des fusillades et des explosions, mais j’ai l’impression que l’essentiel leur fait défaut la plupart du temps. Pour moi, chaque accident dans la vie réel est rattaché à un drame humain. Donc, dans Watch_Dogs, vous ressentirez la gravité de chaque situation jouée. Cela va au-delà des graphismes réalistes, de la météo et de l’atmosphère. Ça signifie que chaque personne impliquée dans un évènement devrait avoir de l’importance. Chacune de vos actions en tant que joueur aura des conséquences sur la vie des gens. Les médias parleront de votre rôle dans ces évènements et cela aura des conséquences sur les mécanismes de jeu. Donc, lorsque vous jouez, vous devez prendre en considération les gens autour de vous avant de faire un choix. Au final, tout dépend de votre perception des choses et de la manière selon laquelle vous envisagez les jeux. Vous ne serez pas jugé, mais vos actions ne seront pas sans répercussions. Nous travaillons vraiment dur pour que cela soit fonctionnel et réaliste sur les plans du graphisme, de l’ambiance, de l’intelligence artificielle, des sons, des animations, de la simulation et de l’histoire. Ce qui nous importe est d’obtenir le ton sérieux que nous souhaitons car nous pensons que cela donne de la consistance à notre jeu.

10. Qui est l’équipe derrière le jeu ?

Dans le but de créer un jeu à monde ouvert qui offre une expérience entièrement nouvelle, nous avions besoin de rassembler une équipe plurielle composée d’experts en différents genres de jeux. Par chance, Ubisoft Montréal a cette expertise sur beaucoup de genres différents, ça nous permet de démarrer du meilleur pied. En particulier, nous avons beaucoup d’expérience dans les jeux à monde ouvert.

D’Assassin’s Creed, nous nous appuyons sur le cadre, la diversité, la profondeur et la qualité d’animation qui en a fait un énorme succès. Des licences Far Cry et Splinter Cell, nous pouvons apporter des fusillades, l’infiltration et un moteur physique. De la série Driver, l’art de la conduite et de la physique des véhicules. Et à tout ça, nous avons aussi inclus à l’équipe des vétérans qui n’étaient pas chez Ubisoft et qui ont travaillé sur quelques-unes des meilleurs licences de l’industrie du jeu vidéo. Ce qui en résulte est une équipe inspirée, expérimentée et qui se focalise sur la création d’un nouveau standard de qualité dans le genre du jeu à monde ouvert. Franchement, c’est uniquement l’addition des expériences passées qui rend Watch_Dogs possible aujourd’hui (n.d.t. : enfin, « aujourd’hui »…).

11. Le studio de développement a-t-il consulté des experts dans des domaines tels que la technologie ou le cyber-terrorisme ?

Les communautés autour du piratage et la sécurité se fondent sur le partage d’information. L’équipe de Watch_Dogs a commencé par faire beaucoup de recherches et a pu obtenir une quantité étonnante d’information et de scénarios-catastrophes. Au fur et à mesure de la conception du jeu, alors que nous étions plus concentrés sur la réalisation (n.d.t. : grosso modo, la réalisation est la phase de production du jeu avec la création graphique, la programmation… ; elle vient après avoir décidé dans le détail de ce qu’on va faire) en elle-même, le besoin de consultants s’est accru, pas seulement pour s’assurer que nous étions encore dans les limites du « possible et réaliste » mais aussi pour être pointilleux et authentique en ce qui concerne l’utilisation, notamment par les gens, des technologies. Nous nous sommes mis en relation avec des spécialistes du genre, nous en parlerons plus dans les mois à venir.

12. Qu’est-ce qui a inspiré l’équipe pour faire Watch_Dogs ?

Notre source d’inspiration première vient de la jonction, dans le monde réel, de la technologie et de la sécurité qui concernent nos citoyens, notre gouvernement et l’infrastructure de nos villes, tous de plus en plus connectés. Maintenant, imaginez que quelqu’un puisse pirater ces réseaux et manipuler à la fois les données qui y sont contenues et les systèmes du monde réel qui dépendent de ces données. C’est le monde de Watch_Dogs.

Nous avons aussi dû imaginer quel genre de personnage moralement ambigu ferait de telles choses. Qui ferait usage de cette technologie pour son intérêt personnel, même si cela implique de faire du mal à ses concitoyens ? Heureusement, nous vivons une époque où les gens sont plus ouverts aux anti-héros. Les émissions de télévision produites ces dernières années ont apporté de la nuance dans notre culture populaire et nous pensons qu’il est important d’être tout aussi pertinent dans les jeux vidéo. La société n’est pas soit noire soit blanche. Tout est gris autour de nous (n.d.t. : gris comme dans les jeux insipides modernes) et nous sommes plutôt contents du fait que la nuance soit en général de plus en plus acceptée et reconnue dans le divertissement.

Watch_Dogs est plus ancré dans le réel et plausible que la science-fiction ou la fantaisie. Les membres de l’équipe puisent leur inspiration d’eux-mêmes en tant qu’individus et de ce que la société représente. Je crois que c’est la raison pour laquelle il est difficile de dépeindre Watch_Dogs avec exactitude. J’ai l’impression que toutes ces inspirations et le fort désir de l’équipe de faire quelque chose de pertinent sont ce qui rend ce jeu si spécial. Nous travaillons vraiment dur pour s’assurer que le monde que nous créons soit crédible et permette une expérience très viscérale.

13. Quels sont les piliers de Watch_Dogs ?

L’aspect contextuel est primordial, c’est naturellement le premier pilier sur lequel se focaliser. Nous voulions nous assurer que le joueur aurait accès à une grande quantité d’interactions avec l’environnement ; pour cela, le côté « vigilance » était le choix parfait pour nous. Avoir un homme avec une motivation personnelle et qui surveille la ville entière procure un aspect dramatique dans chacun des aspects du jeu, et c’est ce que nous recherchions.

Ensuite, nous voulions nous assurer que le jeu avait un ton sérieux. S’immiscer dans la vie des gens le nécessite. C’est particulièrement vrai dans le contexte d’un héros moderne et vigilant. J’ai deux devises que j’utilise tout le temps avec chaque responsable de l’équipe pour m’assurer que le ton sérieux soit présent : la première est « sentez-vous la gravité de cette situation lorsque vous jouez ? », la seconde est « rendez ça plus Michael Mann et moins Michael Bay ». Ce genre de phrase nous aide toujours à nous souvenir de qui nous sommes et de ce que nous espérons atteindre.

L’hyper-connectivité est évidemment un sujet majeur dans notre jeu. Elle est partout, des outils innovants que vous y employez à l‘expérience totalement en ligne. La structure entière du jeu est basée sur l’idée que tout le monde regarde et surveille, que ce soit en jeu seul, à plusieurs ou tout ce qu’il y a entre les deux. C’est à la fois présent dans le jeu et en dehors du jeu.

Fournir une expérience sérieuse dans un cadre de surveillance où vous pouvez contrôler tout ce qui est connecté autour de vous est définitivement un défi. Cela nous amène à notre dernier pilier. Dans l’optique que tout cela fonctionne, nous avions besoin d’un dynamisme sans précédent au sein de la représentation de la ville. Tous les systèmes communiquent entre eux dans le jeu, et c’est cette ensemble de systèmes qui crée la magie. Par exemple, chaque situation qui se passe dans notre démo est émergente. Si le joueur s’était focalisé sur quelqu’un d’autre que la femme au kiosque de presse, toute la suite aurait été très différente. Cela fait intrinsèquement partie de Watch_Dogs.

Finalement, tous ces piliers ont été prudemment choisis afin que nous délivrions un jeu à monde ouvert approprié avec un niveau d’interactivité sans précédent. Après tout, l’interactivité est la quintessence de tout jeu.

14. Aiden sera-t-il animé uniquement de motivations personnelles ou poursuivra-t-il une plus grande cause ?

Aiden Pearce a ses propres raisons de surprotéger sa famille. Mais lorsqu’il poussera son obsession à contrôler la ville entière, il pourrait confondre sa situation personnelle avec celle de quiconque autour de lui. C’est le canevas narratif que le joueur explorera tout au long du jeu.

15. Quel est le symbole sur le masque d’Aiden ?

Le symbole signifie « connectivité », ce qui le représente vraiment bien. Ce souci du détail concerne chaque personnage du jeu. Nous avons travaillé vraiment dur pour définir l’essence de chacun d’eux, d’un point de vue narratif comme artistique. Nous avons hâte de vous présenter l’identité et l’apparence de chaque personnage.

16. Watch_Dogs semble avoir pour thème le piratage. Comment cela se traduit-il dans la jouabilité ?

Le piratage influence l’expérience de jeu entière. Afin de réellement permettre le fantasme du contrôle et de la surveillance de la ville entière, nous devons nous assurer que cela soit présent dans chaque aspect du jeu. Donc, tout, de la progression dans le jeu à l’arbre de compétence du personnage, renforce ce concept.

Au travers du jeu, votre accès au ctOS et aux alentours croîtra progressivement et définira la manière dont vous accédez aux phases de jeu autour de vous. En surveillant la vie des gens, vous trouverez divers types de missions ou activités qui émergeront de ce que vous découvrez et vivez. Selon votre manière de jouer, cela peut dégénérer en situations plutôt graves.

Lorsque ces situations surviennent, vous apprécierez la possibilité de tout pirater et contrôler autour de vous. La ville deviendra votre terrain de jeu. Vous pourrez vous cacher, fuir ou affronter chaque problème en utilisant des outils tels que le métro, les feux de signalisation, les caméras de sécurité, les ponts basculants, la rupture des communications et beaucoup d’autres choses sur lesquelles nous n’avons pas encore communiqué. Tout cela est accessible dans chaque situation à laquelle vous penserez.

Ces outils causeront des réactions en chaîne qui affecteront aussi le monde du jeu et ce que les médias diront d’Aiden Pearce. Attendez-vous donc à des impacts à long terme. Après tout, jouer avec ces outils au sein d’une ville s’accompagne d’un lot de conséquences. Avec un tel pouvoir sur vos alentours, aucune course-poursuite, fusillade, balade ou escapade ne se vivra comme avant.

17. En quoi la démo de début 2013 est-elle différente de ce qui a été montré à l’E3 2012 ?

L’an dernier, nous vous avons montré une mission du jeu. Vous avez pu voir comment tout y est relié. Cette année, nous voulions vous montrer le jeu en situation ouverte, avec ses interactions et opportunités. Donc, pas une mission mais un joueur explorant la ville et poursuivant une lignée d’information selon sa propre curiosité et volonté. Tout ce qu’on y voit est conséquence des choix du joueur et non un scénario élaboré. Voilà comment, dans Watch_Dogs, tout le monde est relié.

18. Que voulez-vous dire par « la ville est une arme » ? Qu’est-ce que ctOS ?

Nous vivons tous dans un monde hyper connecté. Tout ce qui a été inventé en périphérie d’Internet ces vingt dernières années a lentement redéfini la façon dont on vit notre quotidien. Aujourd’hui, toutes les métropoles sont de plus en plus connectées. Les infrastructures urbaines sont surveillées et contrôlées par des systèmes complexes. C’est quelque chose qui se passe dans la vie réelle. Dans Watch_Dogs, nous appelons ce système CenTral Operating System (système opérationnel central), ou ctOS. La téléphonie mobile permet de suivre la trace de citoyens ordinaires de leur chambre à leur lieu de travail. Tous ces appareils électroniques forment un réseau complexe et puissant duquel nous sommes devenus progressivement dépendants.

Maintenant, imaginez qu’un homme prenne le contrôle de tout ce réseau.

Dans Watch_Dogs, vous utiliserez le ctOS de Chicago à votre avantage. Dans notre démo ouverte, par exemple, vous pouvez qu’Aiden emploie les bornes contre les flics et arrête le métro dans le but de prendre la fuite. C’est juste quelques exemple des capacités uniques que vous aurez du bout des doigts. Et ce qui est appréciable, c’est que vous aurez accès à ces outils dans chaque situation émergente que le jeu offre. Tout joueur créatif s’attendra à pouvoir profiter d’innombrables possibilités dans ce jeu.

19. Que voulez vous-dire par le fait que les actions du joueur auront de réelles conséquences ?

Dans Watch_Dogs, chaque instant nécessite d’être considéré sérieusement. Chaque action aura une conséquence directe. Lorsque vous causez le chaos, les gens courent un danger. Les médias en parleront, influenceront la perception par la population de vos actions et cela altérera votre rapport à ce monde.

Un système de réputation prendra en compte l’attitude du joueur à l’égard des dommages collatéraux. Cause-t-il beaucoup de dégâts qui blessent ou tuent les citoyens ? Agit-il de manière héroïque ou criminelle ? Chaque action aura des effets positifs ou négatifs. Le joueur choisira comment il voudra jouer et le jeu ne le jugera pas. Notre système reconnaîtra simplement les nuances dont est faite notre société et les renverra au joueur. Nous ne construisons pas un de ces systèmes binaires qui finissent toujours par prendre en chasse le joueur et à paraître hors propos. Notre système de réputation se focalisera plus sur la manière dont les gens se forgent leur opinion dans notre société, ce qui est une fois de plus un sujet fascinant en relation avec notre thème principal : l’influence de la technologie dans notre société.

20. Dans la démo, Aiden est capable d’accéder à des informations sur tous les gens autour de lui. Comment fait-il cela ? À quels genre d’informations a-t-il accès ?

Aiden est capable d’infiltrer le système de surveillance de Chicago. Il y a plus de dix mille caméras de surveillance dans la ville, pointées chaque jour sur les citoyens, et beaucoup ont une définition suffisante pour lire des journaux à distance. Grâce à ce système, Aiden peut faire de la reconnaissance faciale sur les habitants et interroger la base de données de la population du ctOS, qui contient les informations personnelles des citoyens : salaires, activités, casier judiciaire… Avec ce genre d’accès, il peut fourrer son nez dans les affaires des gens et employer ces informations à des fins personnelles.

21. Pourquoi Aiden décide-t-il d’intervenir et d’arrêter un crime imminent ? Est-il une sorte de veilleur ?

Aiden ne décide pas, c’est le joueur qui intervient. En jouant Aiden Pearce, vous passerez d’une mission personnelle à quelque chose de bien plus important. Les joueurs vivront progressivement une incompatibilité entre les problèmes d’Aiden et ceux des autres gens. Dans l’introduction de la démo, Aiden dit « Une fois que vous l’avez vu, vu tout ça… comment ne plus le voir ? » Cette question est adressée au joueur. Après tout, c’est d’un jeu dont nous parlons. C’est donc le joueur qui devrait décider quel genre de veilleur il souhaite être. Surveiller est dans tous les cas une tragédie profonde et intéressante à découvrir en jouant.

22. Aider surcharge une boîte à fusibles électriques, ce qui ralentit et désoriente la cible qu’il poursuit. Comment fait-il cela ?

Aiden peut accéder à chaque ordinateur et en prendre le contrôle au sein de notre Chicago virtuel. Dans nos villes modernes, les réseaux électriques sont maintenant contrôlés par des ordinateurs. Des systèmes intelligents sont mis en place pour économiser l’énergie, faciliter et sécuriser la distribution d’électricité. Avec l’accès à ces systèmes, Aiden peut surcharger certains points des réseaux électriques. C’est juste une des différentes manières qu’il a de contrôler la ville.

23. Quel est l’effet de ralenti qu’on voit pendant la poursuite ?

Aiden est très intelligent et malin. Il pense de manière vive, on appelle ça la « concentration » dans le jeu. C’est une compétence qu’Aiden peut utiliser pour analyser son environnement et prendre l’avantage ; cela peut être fait n’importe quand, mais ce n’est pas illimité. Cette compétence est donc à utiliser avec parcimonie. (N.d.t. : c’est un bullet time, nous l’auront compris.)

24. À la fin de la démo, nous voyons une caméra qui montre Aiden sur le train. Que se passe-t-il à ce moment ?

Si vous pensez être seul, réfléchissez une seconde fois. Tout et tout le monde est connecté et appartient au même réseau. Cette caméra est un autre aperçu de notre direction pour le jeu en ligne et de nombreuses autres informations vous parviendront à ce sujet. On a vraiment envie de vous en dire plus.

25. Aiden pourra-t-il atteindre le sommet des bâtiments ?

Oui, Aiden sera capable de gravir des bâtiments et de se mouvoir dans Chicago. Il sera aussi apte à utiliser cette habileté sur des objets dynamiques comme des voitures, ce qui offre de grandes opportunités pendant les combats et les poursuites à pied.

26. Dans la démo ouverte, nous voyons Aiden prendre en chasse sa cible à l’intérieur d’une pharmacie. Dans le jeu, les joueurs auront-ils accès à l’intérieur des bâtiments ?

Dans le jeu, les joueurs auront beaucoup de possibilités pour accéder aux intérieurs. En fait, dans la manière de construire la ville, nous considérons ses diverses dimensions : le niveau de la rue, les intérieurs, mais aussi la manière dont Aiden peut explorer les endroits difficiles d’accès, les ruelles ou les toits des immeubles. Aussi, Chicago a un vaste sous-sol dont nous comptons profiter. Finalement, souvenez-vous : les joueurs peuvent explorer physiquement la ville de Chicago, mais aussi sa couche numérique, en faisant intrusion dans la vie des gens. À ce titre, Aiden peut accéder aux intérieurs physiquement, mais aussi compter sur son aptitude à accéder à n’importe quel ordinateur de la ville.

27. La police ou une autre entité peut-elle utiliser le ctOS de la même manière qu’Aiden ?

ctOS est un système qui gère des pans entiers de la ville, des éléments et problèmes complexes comme les feux de signalisation, le combat contre la criminalité et la gestion énergétique. La police n’est pas la seule à pouvoir l’employer mais le ctOS fait partie intégrante de leurs stratégies phares. Au final, ctOS est le genre de système qui permet aux forces de police d’être plus efficaces avec moins de budget et ressources. C’est la réalité dans beaucoup de métropoles de nos jours. Les polices utilisent déjà de tels systèmes et cela va s’accroître dans les prochaines années. ctOS est beaucoup plus approprié que les gens ne peuvent le penser en 2013.

Source : CVG World.

DotConnexion

La démo de l’E3 2012 montrait Aiden Pearce assassiner froidement Joseph De Marco, philanthrope qui venait d’inaugurer l’exposition artistique DotConnexion dont le thème est le sécuritaire. Ubisoft ayant mis en ligne en octobre 2012 un site de promotion dédié à cette exposition mais n’ayant pas pris la peine d’en offrir une traduction (ils comptaient sur moi pour le faire), on répare la bévue. On notera l’entrevue avec deux artistes de l’univers du jeu, qui permet de mieux saisir l’âme du Chicago de Watch_Dogs.

Joy Ndidi Adebayo

Discussion autour de l’art et la politique avec Joy Ndidi Adebayo.

Dites-nous en plus au sujet de l’œuvre que vous présentez à cette exposition.

Elle s’intitule « Vous êtes ce que vous dites » et se compose de plusieurs écrans LED larges connectés à un ensemble de caméras. Les écrans reproduisent la manière dont les gens se comportent face à eux, comme une sorte de grand miroir numérique.

watch-dogs-dotconnexion-joy

Qu’espérez-vous communiquer avec cette œuvre ?

« Vous êtes ce que vous dites » représente toutes les données qui existent dans le monde à propos de chacun de nous et la façon dont elles peuvent nous représenter dans le monde numérique, ou même nous recréer en quelques sortes. Mon espoir est que les gens trouvent cela à la fois excitant et effrayant.

Comment en êtes-vous venu à ce style de création ?

J’ai toujours été intéressé par l’infusion de la technologie dans notre existence humaine et par la manière dont elle influence la culture, donc c’était un choix naturel dès le départ. J’ai obtenu mon diplôme en Arts et Technologie des Médias à l’Université de Californie de Santa Barbara et ma vision de ce que peut être l’art s’est considérablement développée au contact de mes pairs et de mes professeurs. Malgré le fait que j’ai étudié de manière académique des médias plus traditionnels, la combinaison de la sculpture et du mouvement au travers de la vidéo me parle plus profondément.

Quelles sont vos influences principales ?

Je dirais que mes parents ont été la plus grande influence sur mon art et moi. Ma mère enseigne l’informatique, mon père est anthropologue. Avoir été élevé dans cet environnement a façonné ma vision du monde plus que n’importe quoi d’autre.

Visuellement, je dois commencer avec le travail pionnier de Nam Juin Paik dans l’art vidéo. J’ai toujours été étonné par son aptitude à unir sculpture et images animées de façon à communiquer de grandes idées. Tim White-Sobieski a fortement influencé ma perception de l’espace et de la lumière. Les musiques de John Cage et Brian Eno ont aussi eu un impact dans mon cheminement de pensée sur l’art visuel ; leur travail sur les ambiances sonores et sur la musicalité du silence ont ouvert ma réflexion sur de tous nouveaux royaumes. Et finalement, j’aimerais mentionné l’écrivain William Gibson, dont le livre Idoru (1996, I.S.B.N. 978-2-0806-7449-4, 238 pages, éditions Flammarion, collection Littérature étrangère) a fondamentalement changé ma perception de ce que signifie être une « personne ».

Comment êtes-vous arrivés à Chicago ?

Même si je suis né au Nigeria, je me considère comme originaire de Chicago. J’avais seulement cinq ans en arrivant aux États-Unis, je me suis senti chez moi dès mon arrivée à Chicago. Et même si j’ai eu la chance de parcourir le monde, je n’ai jamais trouvé d’autre endroit que j’aime autant que cette grande ville. En faire partie était important pour moi, et je considère le fait d’avoir été choisi pour participer à cette grande exposition comme un honneur.

Qu’est-ce que les artistes du collectif DotConnexin ont en commun ?

Nos sommes un mouvement qui explore les thèmes de la technologie et de la connectivité. L’accès instantané à l’information est un énorme bénéfice, mais il peut potentiellement en coûter beaucoup à notre intimité et sécurité. Je crois que les artistes du collectif véhiculent tous leurs pensées au sujet de cette lame à double tranchant qu’est l’hyper-connectivité.

Pourquoi le collectif a-t-il choisi d’exposer ici à Chicago ?

La ville de Chicago est le cœur du dialogue que nous espérons initier à travers notre art. Nous estimons qu’il y a plus de dix mille caméras qui surveillent continuellement les citoyens de cette grande ville, la majorité d’entre eux menant une vie intègre dont les activités quotidiennes ne légitiment en rien une telle observation. Notre collectif croit que les Chicagoans méritent mieux, et nous espérons qu’en les réunissant, nous les inciterons à partager nos questionnements : comment notre société en arrive là, et comment aller de l’avant ?

En tant qu’artiste, comment voyez-vous le futur de notre société ?

Je suis enthousiaste sur le futur aussi longtemps que la place de la technologie dans nos vies croît, mais aussi concerné par le fait que les gens embrassent les dernières tendances rapidement sans complètement en comprendre les implications. J’appelle cela « l’adoption ignorante ». L’utilisation des réseaux et médias sociaux est un bon exemple de ce phénomène. Vous avez des millions de gens qui partagent publiquement des informations à propos d’eux dont ils n’auraient rien dit à personne cinq ans plus tôt, en dehors de leurs proches. Je ne suis pas certain que les gens aient conscience de l’envergure de l’impact d’un tel comportement. J’espère avec mon art être capable d’encourager le dialogue et la réflexion sur ce qu’on partage de nous dans un monde complètement connecté.

Vous souhaitez ajouter autre chose ?

Pour l’enregistrement… Je pense que le terme « média social » est ridicule (n.d.t. : moi aussi). Tout média est intrinsèquement social. Sans considérer le moyen, qu’est-ce qui peut être plus social que l’échange d’idées ? Si je peux jouer un rôle dans la disparition de ce terme, je considérerai ma vie comme une réussite.

Simon Mitchell

Créer avec DotConnexion, les motivations de l’artiste Simon Mitchell, méfiant mais optimiste.

Parlez-nous un peu de l’œuvre que vous présentez à cette exposition.

Cette œuvre s’appelle Unblinking (« Sans clignotement »). Je l’ai créée à partir de plusieurs colonnes de lumière dirigée qui peuvent tourner pour suivre le spectateur ou simplement les passants. Je trouve que l’interactivité aide à attirer l’attention et j’espère qu’elle encouragera les gens à réfléchir à ce que cette œuvre véhicule.

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Et qu’espérez-vous communiquez avec cette œuvre ?

Et bien, j’espère que chacun conservera de l’interaction avec cette œuvre quelque chose de personnel, d’unique. Je ne pense pas que ce soit mon rôle en tant qu’artiste de vous donner la signification d’une œuvre, vraiment. Mais je peux vous dire que mon inspiration pour Unblinking provient d’une excursion à l’épicerie. Je m’y rendais pour quelques courses… vous savez, le lait, d’autres choses, j’ai oublié quoi exactement, mais quand j’y suis entré, il y avait un moniteur juste après la porte qui me montrait en train de marcher. Vous savez, je me doute que c’est une manière de dire « hé, on garde un œil sur vous ! » ou quelque chose comme ça, et je sais que j’ai vu ça probablement un millier de fois, mais pour une quelconque raison, ça m’a marqué à ce moment-là, une sorte de « alors, je peux même pas acheter du lait sans que quelqu’un ne me surveille. » Donc, je ne vais pas vous dire ce que vous devez tirer de l’œuvre, mais c’est ce moment dans le supermarché qui a déclenché sa création.

Comment en êtes-vous venu à ce style de création ?

Honnêtement, j’y suis arrivé avec un peu de frustration. Je suis vraiment un traditionaliste par nature. J’ai toujours été très intéressé par l’interaction entre ombre et lumière, mais mon intérêt premier en grandissant était de travailler avec plus de moyens traditionnels ; croquis au crayon, fusain, ce genre de choses. Mais de nos jours, on dirait que la société moderne ne sait vraiment pas quoi faire avec l’art, vous savez. On ne prend pas le temps de réellement apprécier une œuvre, et on n’apprend pas suffisamment le langage visuel à nos enfants, qui du coup n’ont aucune idée de l’appréciation d’une œuvre. Donc, les arts plastiques, spécialement avec l’interactivité qu’on peut créer de nos jours, je pense que c’est ma manière d’essayer de détourner l’attention des gens de leur téléphone moderne.

Quelles sont vos influences principales ?

James Turrell a été une influence majeure avec sa manière de penser l’art, spécialement en m’amenant à réfléchir sur l’expérience que je veux procurer au spectateur idéal. Barnett Newman, j’aime son approche minimaliste, et je pense que Robert Irwin m’a donné le courage de sortir de ma niche traditionnelle et d’entrer dans le monde des arts plastiques. La photographie d’Aaron Siskind m’a toujours attirée. Et probablement que Makoto Fujimura a été ma plus grande inspiration personnelle, aussi bien dans sa maîtrise du médium que dans son incroyable profondeur de pensée sur l’art et son sens culturel.

Comment êtes-vous arrivés à Chicago ?

Travailler avec les artistes du collectif DotConnexion, c’est ce qui m’a amené ici. J’ai grandi à Carrboro, en Caroline du Nord, une petite ville avec pas mal d’amateurs d’art, et j’ai ensuite étudié à la Rhode Island School of Design (école de design de Rhode Island), puis comme beaucoup d’artistes, je me suis retrouvé à New-York pour un temps. Mais Chicago, vous savez, on dirait que la ville rassemble plein d’éléments de ma vie. La culture et la diversité sont énormes ici, et l’ouverture sur l’art qu’on peut y connaître m’inspire vraiment, sans présenter cette sorte de rejet sur l’extérieur qu’on peut parfois ressentir dans le milieu artistique d’autres villes. C’est un peu le meilleur des mondes pour moi… en dehors du climat.

Qu’est-ce que les artistes du collectif DotConnexion ont en commun ?

Je suppose qu’il s’agit de notre intérêt mutuel pour ce qui fait que la technologie, les humains et la connectivité sont tous reliés. En étant tout un tas d’artistes, je pense que nous avons tous une perception différente de ce que tout cela signifie, mais nous avons un socle commun qui est le fait que nous tous y réfléchissons et explorons ces idées à travers notre art.

Pourquoi le collectif a-t-il choisi d’exposer ici à Chicago ?

Chicago est comme l’épicentre de tout ce que nous abordons avec notre art. Les gens qui vivent ici savent probablement mieux que quiconque dans le pays ce que ça fait d’être surveillé et suivi à la trace chaque minute chaque jour. Donc, nous ne sommes pas ici pour vous dire quoi faire, ou du moins, moi, je ne le suis pas, mais vous savez, nous espérons poser les bonnes questions et peut-être faire en sorte que les gens commencent à réfléchir à la manière dont quelques-unes des décisions prises par la ville de Chicago affectent leur quotidien.

En tant qu’artiste, comment voyez-vous le futur de notre société ?

Je suis terrifié mais conserve espoir. Je pense que promouvoir une culture qui ne considère pas l’art comme étant essentiel implique beaucoup de coûts cachés. Vous savez, on réduit à peu près les œuvres d’art à de beaux objets à posséder. S’il n’y a pas assez d’argent dans le budget, c’est toujours la première chose qui est virée. Et je parle pas seulement du cadre scolaire : on peut observer la même chose dans les affaires, au gouvernement, dans les églises. On fait passer avant tout les questions d’efficacité et de logistique. Mais une culture qui ne valorise ni la beauté ni la vertu, je ne suis pas certain qu’on puisse encore appeler ça une culture. Et à travers l’histoire, je pense que l’art a fait plus que n’importe quel autre procédé pour donner à l’homme des aspirations. Mais nous sommes aussi à l’ère du tout connecté, on peut aujourd’hui entrer en contact avec à peu près n’importe qui n’importe où. Donc, je garde espoir qu’on puisse peut-être être capable d’utiliser la connectivité pour toucher les gens et les éveiller de nouveau à ce qu’est et signifie l’art.

Vous souhaitez ajouter autre chose ?

Venez voir cette exposition, vraiment, elle vous montrera d’étonnantes choses réalisées par ces autres artistes. Lorsque j’étais en train de préparer mon œuvre et que j’ai vu ce qui allait se trouver juste à côté, j’ai eu la sensation que je devais peut-être juste remballer mes affaires et rentrer chez moi. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi vous m’interrogez moi, honnêtement, alors que vous avez d’autres talents incroyables juste là. Mais, vraiment, venez en faire l’expérience vous-même.

(Trop peu de) ressources

We Are Data : impressionnante création d’Ubisoft, ce site agrège en temps réel ou presque diverses données publics (métro, salaires, chômages, réseaux sociaux, cadastres…) de Berlin, Londres et Paris.

Rio Operations Center : créer par IBM, c’est le ctOS de Rio de Janeiro (Brésil).

PRISM (Le Monde) : tous les articles du quotidien Le Monde sur la question (évidemment, Le Monde n’est probablement pas le meilleur prisme journalistique du monde sur PRISM).


Par meduz'
Le 12 mars 2014 | Catégories : Articles, Editos

Je suis en train de nettoyer les toilettes du Dojobar, un mec bourré en a mis partout !
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